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La Note Inafon - SCI : La définition de l’objet social et ses implications pratiques

Publié le 28/01/25 par Inafon National

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La Société Civile Immobilière (SCI), par la flexibilité qu’elle offre, constitue un outil particulièrement efficace de gestion patrimoniale qu’il s’agisse de structurer, gérer, ou anticiper la transmission d’un patrimoine immobilier.

Toutefois, si cette structure présente des atouts indéniables, elle n’est pas dépourvue de certaines complexités juridiques, comme le rappelle la jurisprudence récente. Un projet bien conçu peut, s’il n’est pas suivi d’un accompagnement juridique approprié, devenir contreproductif pour les intérêts des associés.

Dans ce contexte, une rédaction soignée et cohérente de l’objet social, en ce qu’il définit le périmètre de la capacité du gérant à engager la SCI à l’égard des tiers, revêt une importance capitale. Elle permettra d’éviter, en cas de litige, des interprétations judiciaires fluctuantes entre la nécessaire protection des tiers et celle des associés, grâce au cadre posé par le pacte social.

Nous illustrerons ce point à travers deux questions courantes.

Le gérant d’une SCI peut-il vendre un immeuble social sans y être autorisé par une décision des associés ?

Le gérant dispose du pouvoir de représentation de la SCI à l’égard des tiers et, à ce titre, signe les actes au nom et pour le compte de celle-ci. 

Toutefois, ce dernier n’engage la société qu’à travers des actes conformes à l'objet social (article 1849 du Code civil).

Dans les structures où la responsabilité des associés n'est pas limitée, le respect formel de l’objet social constitue un rempart salutaire face aux décisions d’un gérant qui n’emporteraient pas l’adhésion des associés. Les actes excédant l’objet social encourent donc la nullité.

L’analyse préalable de l'objet social requiert donc une attention particulière en ce qu’elle détermine, notamment, dans quelle mesure le gérant peut engager la SCI dans des transactions immobilières.

Une difficulté d’interprétation peut survenir lorsque l’énumération contenue dans l’objet social ne mentionne pas expressément la vente de l’actif immobilier. C’est le cas très souvent des clauses types qui englobent « l'acquisition, la propriété, l'administration, la mise en location, la gestion et l'exploitation de tous immeubles…et généralement toutes opérations quelconques se rattachant directement ou indirectement à cet objet ».

Le terme « propriété » peut prêter à discussion car il revêt deux significations distinctes. Il peut s’entendre, dans son acception commune, comme la possession légale d’un bien ou, dans sa conception plus juridique (fondée sur ses utilités ou attributs) comme « (…) le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (article 544 du code civil). Dans le second cas, la propriété comprend le droit de disposer du bien immobilier.

La troisième chambre civile de la Cour de Cassation a pu juger récemment qu’un tel objet social permettait l'acquisition et la gestion par tous moyens d'un patrimoine immobilier, mais pas la vente d'immeubles (Cass. 3 ème civ., 23 nov. 2023, n° 22-17.475, n° 752 FS-D). En conséquence, la décision d'aliéner ne pouvait être prise qu'avec l'accord des associés.

Bien que la même chambre ait pu, sur cette question, adopter des solutions contradictoires (Cass. 3ème civ, 11 mai 2022, 21-15.387), elle semble donc plutôt considérer que le terme « propriété » n’inclut pas les actes de disposition.

La prudence commande dans cette situation de recourir à une délibération préalable des associés.

Assimilée à une extension ponctuelle de l’objet statutaire, celle-ci ne peut être prise qu’à la majorité requise pour la modification des statuts. En l’absence de clause statutaire particulière, la modification des statuts se vote à l’unanimité de tous les associés et pas seulement des associés présents ou représentés à l’assemblée générale (Cass. 3ème civ., 5 janvier 2022, 20-17.428, Publié au bulletin).

Est-il pour autant pertinent d’inclure, par anticipation, la vente dans l’objet statutaire ?

L’opportunité d’une telle clause dépendra beaucoup du projet des associés.

Dans un schéma de transmission patrimoniale, par exemple, les parents donateurs de la nue-propriété des parts sociales, et gérants de la société, pourront avoir intérêt à conserver ou renforcer, dans la seule limite du respect de l’intérêt social, la maitrise de la disposition des biens immobiliers qui composent l’actif de la SCI. L’inclusion de la vente dans l’objet social leur épargne donc la convocation d’une assemblée générale pour en décider.

A l’inverse, dans le cas d’une association d’affaires, il peut être utile d’anticiper une dégradation des relations entre les associés et le gérant et de soumettre la vente de l’immeuble à leur approbation préalable, en prévoyant, le cas échéant, des règles de majorité assouplies pour éviter les situations de blocage.

En tout état de cause, pour éviter tout risque de requalification en société commerciale de fait, les associés seront avisés de préciser que la vente est comprise dans l’objet social lorsqu’elle présente un caractère occasionnel et sous réserve que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société.

Enfin, les statuts peuvent prévoir une clause restreignant, pour certaines opérations, les pouvoirs du gérant. Si ces clauses sont inopposables aux tiers, un acte excédant ses prérogatives statutaires engage sa responsabilité à l’égard des associés. Une vérification préalable sera également nécessaire.

Le gérant peut-il décider seul de la mise à disposition gratuite de tout ou partie d’un immeuble social au profit d’un associé ?

Cette question rejoint la précédente, à la différence près qu’il ne s’agit pas là d’un acte de disposition.

Aucune règle n'interdit à une SCI de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition de ses associés.

Toutefois, le prêt à usage accordé à ces derniers, qui peuvent, en outre, avoir la qualité de gérant, est un acte à titre gratuit ; ce qui soulève une problématique liée à l'intérêt social, voire à un possible conflit d’intérêts.

Il convient de noter que les SCI ne sont pas soumises au contrôle des conventions règlementées et les actes conclus par la société avec le gérant ou les associés n’ont, sur ce fondement, ni à être autorisés, ni à faire l’objet d’un contrôle a posteriori.

Ce sont donc les règles du droit commun des sociétés qui ont vocation à s’appliquer.

Comme au cas précédent, il convient alors de se reporter à l’objet social.

Si cet objet n’évoque que la « location », qui est un acte à titre onéreux, le gérant devra obtenir l’autorisation des associés dans la mesure où le commodat est à titre gratuit (Cass.3ème civ., 25 avril 2007, n°06-11. 833).

Si l’objet social est plus large et ne précise pas expressément que les biens de la SCI peuvent être mis gratuitement à la disposition des associés, la Cour de Cassation indique que, cet acte ne peut être décidé par le gérant seul et doit être autorisé par l'assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts (Cass, 3 ème civ, 2 mai 2024, n°22-24.503, Publié au bulletin). Elle revient ainsi sur sa position antérieure (Cass. civ. 3e, 11 févr. 2014, n° 13-11.197).

Ainsi, par exemple, l’objet social comprenant notamment la « gestion de tous biens immobiliers par bail, location ou autrement » ne permet pas au gérant de conclure seul un prêt à usage, faute de mention expresse.

En conclusion, les associés qui entendent acquérir par l’intermédiaire d’une SCI un bien immobilier dont ils souhaitent se réserver la libre disposition devront donc veiller à prévoir expressément cette possibilité dans les statuts pour anticiper toute difficulté.

S’agissant des situations existantes, il est recommandé de procéder à une modification statutaire.

On pense notamment aux SCI conçues comme un outil de sécurisation de l’acquisition du logement familial entre concubins, accompagné d’un démembrement croisé des parts sociales. A défaut d’introduire clairement le prêt à usage dans l’objet social, en cas de décès de l’un des concubins, ses héritiers pourraient demander la nullité de cette disposition et réclamer au concubin survivant, par l’intermédiaire de la société, le versement d’une indemnité d’occupation, voire son départ du logement.

 

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