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La Note Inafon - Coup d’arrêt partiel du Conseil d’État aux assouplissements sur l’hygiène et la salubrité des locaux d’habitation : attention en matière de ventes et de locations

Publié le 02/10/24 par Inafon National

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Coup d’arrêt partiel du Conseil d’État aux assouplissements sur l’hygiène et la salubrité des locaux d’habitation : attention en matière de ventes et de locations par M. Alexandre SAVOYE.

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L'annulation partielle du décret du 29 juillet 2023[1] par le Conseil d'État le 29 août dernier[2], vient temporairement rebattre les cartes s’agissant de certaines règles d’hygiène et de salubrité des locaux d'habitation. L’importance de la décision en pratique tient au fait que les dispositions annulées sont de celles qui interrogent très souvent les rédacteurs d’actes, à savoir la hauteur sous plafond, la surface minimale habitable et les critères d’enfouissement des locaux pouvant être considérés comme habitables[3]

Un décret à la finalité ambitieuse mais aux modalités controversées

L’objectif du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, pris en application de l’article L.1311-1 du Code la santé publique, était de moderniser et harmoniser les règles de salubrité et d’hygiène des logements en France, tout en renforçant les sanctions applicables en cas d’infraction en la matière. En effet, dans l’attente de la mise en place de règles générales définies au niveau national, annoncée dès 1986 (L. n° 86-17 du 06 janvier 1986)[4], l’habitude avait été prise de se référer localement aux règlements sanitaires départementaux (RSD) s’agissant de la régulation des conditions d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation. Mettant un terme à la disparité des règles entre les départements, le décret du 29 juillet 2023 est venu remplacer les dispositions des RSD au niveau national en codifiant les nouvelles règles dans le Code de la santé publique (CSP., art. R. 1331-14 à R. 1331-78).

Ledit décret a apporté des changements significatifs en matière de normes d’habitabilité, en introduisant notamment des critères assouplis pour la hauteur sous plafond (CSP., art. 1331-20, annulé), les logements en sous-sol (CSP., art. R. 1331-18, annulé) et sous les combles (CSP., art. R. 1331-19, annulé). Justifiées par le gouvernement comme permettant d’augmenter l’offre de logements, notamment dans les grandes métropoles où la demande est forte et le foncier rare, nombre des nouvelles dispositions furent controversées, au point de surnommer le texte « décret marchand de sommeil ». Une mesure, en particulier, a immédiatement suscité de vives critiques de la part des associations de défense des locataires et de lutte contre l’habitat indigne : la possibilité de louer des locaux avec une hauteur sous plafond de 1,80 à 2,19 mètres sous certaines conditions[5].

Des signes avant-coureurs de l’annulation par le Conseil d’État

 

Dès sa publication, le décret a été l’objet de nombreuses préoccupations[6] et recours par plusieurs associations, dont la Fondation Abbé Pierre et la Fédération droit au logement[7], qui dénonçaient une légitimation de l’insalubrité des locaux d’habitation en autorisant notamment la location de logements bas de plafond mais également en sous-sol.

Soulevant l’impossibilité d’atteindre l’objectif d’harmonisation souhaité, en raison des dérogations ouvertes, ainsi que l’absence d’abrogation précise et univoque de certaines parties des RSD existants, le Haut comité pour le droit au logement (HCDL) a également rendu un avis[8] aboutissant à une demande de révision dudit décret. En définitive, ce n’est pas sur le fond mais pour vice de procédure que le décret a été partiellement annulé s’agissant de ses dispositions les plus polémiques.

Une annulation partielle immédiate justifiée par un vice de procédure

Dans sa décision du 29 août 2024 précitée, le Conseil d’État s’est effectivement fondé sur le non-respect de l’obligation de consultation du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) pour censurer l’ensemble des modifications substantielles apportées au projet soumis à la consultation initiale[9]. C’est donc en en raison de l’absence d’une nouvelle consultation du HCSP, entre le projet de décret modifié et sa publication, que le Conseil d’État décide d’annuler immédiatement « la sous-section 2 " Caractéristiques des locaux propres à l'habitation " de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du code de la santé publique », soit les articles R.1331-17 à R.1331-23 dudit code.

Reste à observer que ce faisant le Conseil d’État n’a pas remis en cause la validité des dispositions litigieuses sur le fond en appréciant la légitimité des assouplissements opérés quant aux conditions d’enfouissement, de surface minimale habitable ou de hauteur sous plafond, mais a rappelé que le respect des procédures de consultation est une condition sine qua non de la légalité des textes réglementaires. Partant, et puisqu’il ne s’agit que d’un avis, il serait tout à fait possible, sous réserve du respect de la procédure de consultation du HCSP, que les dispositions aujourd’hui annulées puissent être de nouveau applicables.

Implications pratiques de la décision du Conseil d’État du 29 août 2024 

En annulant partiellement le décret du 29 juillet 2023 moins d’un an après son entrée en vigueur[10], le Conseil d’État a rétabli provisoirement les particularismes locaux issus des anciennes règles contenues dans les RSD concernant l’ensemble des dispositions de la sous-section 2 précitée relative aux « Caractéristiques des locaux propres à l'habitation ». Toutefois, les autres sous-sections de cette même section 3 relative à la salubrité et à l’hygiène des locaux d'habitation demeurent en vigueur (définitions, champ d’application, etc.)[11], de sorte qu’il est désormais nécessaire de jongler avec :

  • les dispositions des RSD réputées abrogées par le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, mais dont la vigueur a été recouvrée depuis la décision du Conseil d'État du 29 août 2024, d’une part ;
  • celles du Code de la santé publique, notamment intégrées par le décret du 29 juillet 2023, pris en application de l’article L.1311-1 du Code la santé publique, d’autre part.

Le praticien avisé aura donc tout intérêt à se replonger dans les règles locales applicables à chaque département, afin de s’assurer des conditions d’habitabilité des logements vendus ou mis en location postérieurement à l’annulation des dispositions intéressées (CSP., art. R.1331-17 à R.1331-23, annulés). Une telle nécessité s’impose tant pour assurer la validité d’un acte qui érigerait, directement ou indirectement, en condition essentielle du consentement d’une partie la conformité du bien aux règles sanitaires d’hygiène et de salubrité (achat d’un bien pour mise en location en l’état par exemple[12]), que pour informer plus généralement ses clients des risques relatifs à l’achat d’un bien qui ne répondrait plus aux critères sanitaires des locaux d’habitation en raison du rétablissement temporaire des RSD.

Si la rédaction des actes de vente ou de location de logements doit, plus que d’ordinaire, aboutir à une vérification soutenue, il n’en reste pas moins qu’une telle recherche n’oblige pas le notaire à se déplacer pour vérifier, in situ, les conditions d'habitabilité d’un bien dont il instrumente la vente, comme l’a récemment rappelée la Cour de cassation dans une affaire où était en cause la surface du bien par rapport aux surfaces minimales imposées par le règlement sanitaire départemental [13].

Quant aux contrats conclus et décisions administratives prises durant la période de validité des dispositions annulées, dont l’effet rétroactif de la nullité pourrait conduire à s’interroger sur leur sort[14] ou d’éventuelles sanctions, il ne reste plus qu’à espérer que le nouveau gouvernement nommé le 21 septembre 2024 adopte valablement mais rapidement un nouveau texte, afin de clarifier la situation et de limiter les conséquences néfastes qui pourraient résulter de l’annulation partielle du décret du 29 juillet 2023.

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[1] Décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés

[2] Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29 août 2024, n° 488640

[3] Plus généralement, c’est l’ensemble de la sous-section 2 « Caractéristiques des locaux propres à l’habitation » de la Section 3 du chapitre Ier du Titre III du Livre III de la Première partie réglementaire du Code de la santé publique qui ne trouve plus à s’appliquer.

[4] Sur l’évolution des règles en la matière, v. not. V. Zalewski-Sicard, « La salubrité et l’hygiène des locaux d’habitation après le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 », La Revue des Loyers, n° 1041, 1er novembre 2023).

[5] À savoir que les locaux respectent les critères de décence, tels que définis par l’article 4 du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Autrement dit, que le logement dispose au moins d'une pièce principale d’un volume habitable au moins égal à 20m3.

[6] V. Question écrite n° 10716, JOAN-Q, 14 mars 2024, p. 954 ; v. ég., Question écrite n° 09327, JOAN-Q, 07 décembre 2024, p. 6735.

[7] Conseil d'État, Juge des référés, 30 novembre 2023, n° 489410, rejetant la demande de suspension du décret s’agissant de la mise à disposition des sous-sols aux fins d'habitation.

[8] HCDL, avis du 8 mars 2024 sur le décret n°2023-695 du 29 juillet 2023.

[9] Sur la sanction de l’obligation de procéder à une nouvelle consultation de l’organisme identifié comme compétent en cas de modifications apportées à un projet législatif ou réglementaire soumis à consultation préalable obligatoire, v. déjà, CE, Ass., 23 octobre 1998, n°169797.

[10] L’article 6 du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 prévoyant comme date d’entrée en vigueur le « premier jour du troisième mois suivant sa publication », soit le 1er octobre 2023.

[11] Une source peut s’avérer précieuse pour le professionnel en quête de repères souhaitant identifier strictement les dispositions concernées. V., ANIL, « Lutte contre l’habitat indigne : règles sanitaires d’hygiène et de salubrité », n° 2023-13, MAJ au 5 septembre 2024.

[12] Dès lors que l’article L. 1331-23 du Code de la santé publique prévoit une interdiction de mise à disposition à titre gratuit ou onéreux en cas d’irrespect des règles sanitaires d’hygiène et de salubrité.

[13] Civ. 3e, 16 mars 2023, n° 21-25.041, à propos de la responsabilité du notaire disposant d’un certificat de mesurage conforme, ainsi que d’un certificat de non-péril, de non-insalubrité et de non-interdiction d'habiter.

[14] S’agissant par exemple des mises à disposition de sous-sol et combles aux fins d'habitation alors valables sous certaines conditions, mais désormais illicites depuis l’annulation des articles R. 1331-18 et R. 1331-19 du Code de la santé publique.

 

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