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La Note Inafon - Actualités sur la TVA immobilière

Publié le 26/04/24 par Inafon National

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La TVA reste un sujet de préoccupation majeur en matière de fiscalité immobilière. Elle génère un contentieux abondant et des décisions évolutives dont ces deux arrêts nous fournissent un parfait exemple.

Assiette de la TVA - TVA sur marge – Identité de qualification fiscale entre l’acquisition et la revente – L’acte d’acquisition doit expressément faire état de la vente de terrains à bâtir portant sur des parcelles nues existantes. CONSEIL D'ETAT DU 2 AVRIL 2024, N°466644

La TVA sur marge ! On ne s’en lasse jamais !

Pourtant, si l’on s’en tient à la seule lettre de l’article 268 du CGI, les conditions d’application de ce régime dérogatoire ne soulèvent pas de difficulté majeure.

Ce texte prévoit que, «(…) s'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir,(...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la marge ».

Cette disposition permet alors de ne pas asseoir la TVA sur le prix de cession hors taxe mais sur une assiette calculée par la différence entre le prix exprimé et les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble (« la marge »).

Toutefois, rapidement, l’administration a entendu réserver cette règle d’assiette spécifique aux seules livraisons d'immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification fiscale [1][1].

L’exigence d’identité juridique entre l’acquisition et la revente, confirmée par le Conseil d’Etat [2][2], conduit à considérer que les règles de calcul dérogatoires ne s'appliquent pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, lorsque le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

En l’espèce, la SARL Echo 5, marchand de biens, a acquis en 2011 un bien immobilier comprenant des constructions et composé de plusieurs parcelles cadastrales bâties et non bâties. En 2014, elle a revendu quatre terrains à bâtir, acquise en l’état de parcelles cadastrales non bâties et a placé ces cessions, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge.

L’administration a remis en cause l'application du régime de la marge et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. 

Saisie sur question préjudicielle par la Cour Administrative d’Appel de Lyon,  la Cour de justice de l'Union européenne, par l'ordonnance C-191/21 du 10 février 2022, a dit pour droit que l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir. En revanche, dans cette limite, le régime peut s’appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

La Cour donne donc raison au contribuable estimant que la cession de terrain à bâtir issue de parcelles cadastrales non bâties, ayant fait l’objet d’une division préalablement à l’acquisition, pouvait bénéficier d’une TVA assise sur la marge.

Le ministre de l'Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation.

Dans cet arrêt, la Haute Juridiction estime que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'appliquent pas à une cession de terrains à bâtir qui :

  • Non seulement, avaient le caractère d'un terrain bâti (Arrêt « Promialp » précité), lors de l’acquisition
  • Mais encore, quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de division, ou d'une division effective, lors de l'acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l'acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment.

Elle estime qu’en admettant l’application de la TVA sur marge alors qu'elle avait constaté que l'acte de vente par lequel la SARL Echo 5 a acquis le bien immobilier en litige ne visait qu'une " propriété bâtie " sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir portant sur des parcelles nues existantes, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Ce faisant, elle réitère une solution de principe, selon laquelle il n’est pas possible de fonder l’application de la marge sur la seule circonstance que la division parcellaire dont ces terrains procédaient avait été autorisée de façon suffisamment précise et détaillée préalablement à l’acquisition.  Il y a lieu dans tous les cas de rechercher s'il ressortait des actes de vente que ces terrains avaient été acquis par l’acheteur-revendeur comme terrains à bâtir, distinctement des terrains supportant des constructions [3][3].

La notion même d’acquisition distincte des terrains bâtis a pu conduire à des difficultés d’application.

Certaines juridictions comme la Cour Administrative d’Appel de Nantes [4][4] semblent adopter une interprétation extensive et raisonnent, pour l’analyse de la qualification fiscale, au regard de l’unité foncière.

On peut espérer que cette dernière décision permettra d'éviter que cette difficulté ne prenne de l'ampleur.

Cette nouvelle exigence jurisprudentielle impose, toutefois, une lourde responsabilité au notaire rédacteur à l’égard de son client. En effet, le régime fiscal de la revente et, par conséquent, l'équilibre financier de son opération dépendront de la précision de la rédaction de l'acte d'acquisition.

Il lui appartient donc d’être particulièrement attentif aux mentions portées dans l’acte d'acquisition qui devra préciser clairement que les parcelles cadastrales non bâties, clairement identifiées, sont acquises comme terrains à bâtir, les distinguant ainsi des terrains supportant des constructions.

 

Champ d’application de la TVA - Un assujetti à la TVA au titre de son activité courante agit-il en en cette qualité lorsqu’il vend un terrain à bâtir ? CAA de NANCY, 2ème chambre, 14/03/2024, 21NC02194

Une vente immobilière entre dans le champ d’application de la TVA lorsqu’elle est réalisée par un assujetti agissant en tant que tel. Ainsi, le simple fait pour le vendeur de disposer d’un numéro d’identification à la TVA au titre de son activité courante ne suffit pas, il doit également agir en cette qualité lorsqu’il vend un bien immobilier issu de son patrimoine professionnel.

Dans les cas où le vendeur est un acteur de l’immobilier, tel qu'un marchand de biens, un lotisseur, un aménageur ou un promoteur, la question ne pose généralement pas de difficulté particulière. En revanche, la situation peut s’avérer plus complexe lorsque le vendeur exerce une activité professionnelle totalement différente.

Au cas soumis à l'examen des juges du fond, une société de décolletage industriel avait acquis deux parcelles contiguës, dont l’une supportait un immeuble d’exploitation. La société avait cédé, par la suite, la parcelle comportant le siège et les locaux à une autre société du groupe, tout en conservant le terrain à bâtir.

En 2016, l’ensemble avait été vendu à une société tierce. La société venderesse, considérant que le terrain n’était pas affecté à ses activités économiques imposables, avait soumis la vente aux seuls droits de mutation.

L'administration fiscale, suivie par le Tribunal administratif de Besançon, avait pour sa part remis en cause l'absence d'assujettissement de la vente à la TVA.

Estimant avoir agi dans un cadre patrimonial et non dans le prolongement de son activité économique, le contribuable saisit la CAA de Nancy d’une demande de décharge.

Selon la doctrine administrative, les sociétés assujetties au titre de leur activité courante n'agissent pas en cette qualité lorsqu'elles réalisent la cession d'un élément de leur patrimoine en dehors d'un objectif d'entreprise ou d'un but commercial.

Elle précise encore que la cession d'un actif inscrit au bilan est généralement considérée comme une opération économique réalisée en tant que telle, notamment si elle s'accompagne de dépenses de valorisation du bien cédé ou si elle constitue le prolongement direct de l'activité de l'entreprise. En revanche, la cession d'un immeuble réalisée par une entreprise qui vise seulement à mieux tirer parti d'un bien devenu étranger à son activité économique peut être considérée comme hors du champ d'application de la TVA (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 n°80).

Or, la Cour relève que lors de l’acquisition du bien cédé, le contribuable avait inscrit le terrain à bâtir comme actif immobilisé dans sa comptabilité et procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l’acquisition, démontrant ainsi sa volonté d’affecter le bien à ses activités taxables.

Par ailleurs, le bien a été vendu concomitamment avec les locaux d’exploitation à une même société tierce, plaidant également pour la poursuite d’un objectif global d’entreprise.

Le contribuable se voit confirmer le redressement par la Cour d’Appel de Nancy.

Aussi, la vente par un assujetti d’un élément de son actif est réputée procéder d’une démarche économique, sauf à démontrer que le bien a été acquis à titre de placement ou que ce dernier est devenu étranger à l’activité imposable du contribuable.

Le maintien de la consistance ou de l’affectation du bien, ainsi que l'absence de dépenses de valorisation engagées sur le terrain vendu, sont insuffisants à caractériser la nature patrimoniale de l’opération.


[1] BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°20

[2] CE, décision du 27 mars 2020, n° 428234, SARL Promialp

[3] Conseil d'État, Chambres réunies, 11 octobre 2022, 464561

[4] Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère Chambre, 17 mars 2023, 21NT02512

Elle considère qu’un terrain à bâtir qui faisait partie, au moment de son acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant des constructions avait la qualité d'immeuble bâti, et non de terrains à bâtir. La Cour estime que les circonstances que les parcelles revendues aient fait l'objet d'une division parcellaire et étaient constructibles antérieurement à leur acquisition sont sans incidence sur la qualification juridique du bien.

Par Madame Julie URION, Responsable Pédagogique et Scientifique Nord-Ouest à l'INAFON

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