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Les parties peuvent convenir des modalités d’une réception tacite

Publié le 20/06/19 par Inafon National

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Cass. 3e civ. 4-4-2019 n° 18-12.410 FS-PBI, B. c/ Sté Thelem assurances

Des particuliers font construire une maison et confient à un plombier-chauffagiste la fourniture et l’installation d’une pompe à chaleur air/eau haute température. L’entreprise est assurée en décennale et la police comporte une mention relative à la réception selon laquelle : « si la réception n’est pas écrite elle peut être tacite. Cet accord tacite se constate lorsque, par l’absence de réclamation sur une période significative, le maître de l’ouvrage a clairement signifié qu’il considérait les travaux comme conformes au marché. En aucun cas la simple prise de possession des lieux ne vaut réception en soi, même si ultérieurement la date de cette prise de possession est considérée comme le point de départ de divers délais ». Des dysfonctionnements de la pompe étant apparus les maîtres de l’ouvrage assignent l’entreprise et son assureur. Ils sont déboutés.

La Cour de cassation constate que la clause contractuelle relative à la réception est valable et opposable à la victime.
Elle confirme en outre que les conditions d’une réception tacite ne sont pas réunies puisque les époux ont pris possession des lieux en janvier 2008, les désordres sont intervenus dès l’installation dans les lieux, l’entreprise a été sollicitée plusieurs fois et le constat des dysfonctionnements a été immédiat dès l’entrée dans les lieux ce qui ne permet pas de retenir l’absence de réclamation sur une période significative .

à noter : La réception n’ayant pas été retenue, la garantie décennale était exclue et l’assureur exonéré de cette garantie. C’est lui qui avait stipulé, dans le contrat d’assurance, la clause relative à la réception tacite dont on se demande au passage si elle a été régulièrement portée à la connaissance de l’assuré et si celui-ci a pu en mesurer la portée. Cette question n’est pas soulevée par le pourvoi ; elle est donc sans objet dans l’espèce, ce qui ne dispense pas de l’interrogation.
Les parties peuvent avoir recours à des formes contractuellement définies en matière de réception (norme Afnor P 03-001 de 2017, art. 17.2 s. ; voir aussi : Cass. 3e civ. 23-10-2007 no 07-10.509 F-D : BPIM 1/08 inf. 36). Les conditions d’une telle réception sont alors prévues par le marché lui-même, par un avenant ou encore par référence à une norme. En l’espèce, elles résultaient du contrat d’assurance et elle visait la réception tacite. En tout état de cause, il faut que le processus retenu soit révélateur ou confirmatif d’une volonté de réceptionner : la prise de possession ne suffit généralement pas pour retenir une réception tacite (Cass. 3e civ. 12-9-2012 no 09-71.189 FS-PB : BPIM 6/12 inf. 440).
Première interrogation : pourquoi encadrer la réception tacite lorsqu’il suffit de souhaiter une réception expresse ? Le contrat pourrait-il exiger que, sauf circonstances particulières (abandon de chantier, résiliation du marché), la réception soit expresse ou judiciaire ? Il semble que rien ne s’y oppose. Si c’est le cas, l’intérêt d’encadrer la réception tacite devient relatif, mais pas nécessairement négligeable. Il peut s’agir de limiter la portée de la prise de possession, qui est importante dans la réception tacite (Cass. 3e civ. 24-11-2016 no 15-25.415 F-PB : BPIM 1/17 inf. 21, RDI 2017 p. 144). L’intérêt peut aussi être de lui associer un autre élément et d’en corriger même certains aspects en particulier lorsque les travaux portent sur un lot exécuté dans une maison que l’on occupe (voir Cass. 3e civ. 30-1-2019 no 18-10.197 FS-PBI : BPIM 2/19 inf. 110, RDI 2019 p. 216). La clause qui exclut la simple prise de possession et exige que pendant un certain temps il n’y ait pas de réclamation, permet d’apprécier la volonté du maître de l’ouvrage et n’appelle donc pas de critique.
Seconde interrogation : dans quel contrat organiser la réception ? Celle-ci, surtout si on admet qu’il s’agit d’un acte juridique, intervient en général dans les rapports entre le maître de l’ouvrage et le constructeur ; elle doit d’ailleurs être contradictoire à son égard (en dernier lieu : Cass 3e civ. 7-3-2019 no 18-12.221 FS-PBI : BPIM 2/19 inf. 109). Ici, les conditions de la réception tacite étaient prévues dans la police d’assurance du constructeur. L’assureur et l’entreprise sont en effet concernés puisque la réception détermine la charge des risques et la mise en jeu de l’assurance décennale ou de droit commun. Les conditions posées par la police sont-elles nécessairement opposables à l’entreprise ? Si par interprétation du contrat le juge décide que celui-ci permet d’apprécier sans équivoque l’intention de réceptionner et que la clause ne fait que préciser sa propre doctrine, le risque d’un conflit d’intérêt est peu probable. Mais si la clause est plus stricte pour la détermination de cette volonté alors qu’en fait cette dernière pourrait se dégager de conditions moins rigoureuses, qu’en serait-il ? La réception tacite n’étant qu’une réception judiciairement constatée, la question pourrait se poser.

© Editions Francis Lefebvre 2019